Animation de rentrée à la bibliothèque

Nous étions nombreuses autour de la table ovale de la bibliothèque en cette première animation de l'année pour présenter nos coups de cœur, nos livres aimés. Le Père Noël aurait-il amené traîneau et rennes surtout dans des librairies ?

            Jeanine nous a parlé avec passion de Cinq Femmes de Marcel Cohen. Le livre est sous-titré Faits et c'est sur eux que s'appuie le narrateur employant pour cela une langue qui se veut sobre au service des souvenirs de ces figures féminines qui l'ont sauvé et ouvert à la vie. Il veut moins d'art et plus de réalité pour parler de ces 5 femmes qui l'ont aimé, lui, un enfant juif dont les parents sont morts à Auschwitz. Elles ont tenté de combler le vide, l'absence et le récit fait par tranche de 2 ans monte en puissance pour retracer leur portrait.

            Plus romanesque et en apparence plus léger Mon mari est le roman d'amour choisi par Faty. Une femme mariée, mène une vie de rêve dans une jolie maison, avec deux enfants et un mari qu'elle aime passionnément. Trop ? Pour éviter une vie conjugale trop facile elle va multiplier les pièges, les fantaisies sous le prétexte que l'aimant déraisonnablement elle a peur de le perdre. Irrésistible, déconcertant , un pur régal, tels sont le mots des multiples critiques élogieuses.

            Le pingouin de Andreï Kourkov, écrivain ukrainien né en Russie, a séduit Marie Christiane par sa drôlerie, son humour, sa description impitoyable et absurde de l'ex URSS. Un écrivain qui ne connaît aucun succès décide d'accepter une offre étonnante mais bien payée : écrire les chroniques nécrologiques de gens qui ne sont pas encore morts ! Il a à ses côtés un pingouin qu'il a adopté car le zoo de Kiev n'arrivant plus à nourrir ses animaux a proposé aux habitants qui le voulaient d'en choisir un. Aux côtés de ce manchot qui s'avère dépressif mais dont la compagnie lui plaît Victor devenu donc journaliste va rencontrer, dans des péripéties peu ordinaires mais qui ne semblent pas l'étonner, des gens étranges ou au contraire ordinaires et surtout voir les personnes vivantes dont il a écrit les éloges funèbres mourir les unes après les autres. Un régal d'humour et d'absurdité.

            Éliane nous a présenté Comme si nous étions des fantômes de Philippe Gray. Amiens 1919, deux jeunes femmes anglaises partent à la recherche, sur les champs de bataille dévastés de la Somme, d'un homme que Amy a aimé et qui a été porté disparu. Des cadavres sont retrouvés mais ils semblent n'avoir aucun lien avec les soldats morts dans les tranchées. Vont se mêler alors à l'intrigue initiale des faits de racisme, des histoires de drogue et l'évocation de ces milliers de travailleurs chinois venus des concessions commerciales employés dès 1916 par les Français et les Anglais dans le Nord et le Pas de Calais. Basé sur des faits historiques le roman devient une sorte de thriller

            C'est une atmosphère toute autre que Sylvie a trouvée dans Journal d'une ménagère folle écrit par Sue Kaufman. Nous sommes dans les année 1960 aux États Unis dans une classe sociale aisée où Bettina est mariée depuis 10 ans à un avocat et producteur de théâtre dont elle a deux filles. Elle est mère au foyer et décide de tenir un journal, qu'elle cache bien sûr à son entourage, dans  lequel elle va tenter d'analyser ce qu'elle croit être une dépression, comprendre pourquoi son mariage a l'air de se déliter et quelle est l'origine de ses névroses alors que sa vie matérielle est facile. Elle apparaît très vite comme un symbole de ces femmes sous emprise et des violences morales qui leur sont imposées par des hommes auxquels la société américaine paternaliste donne tous les droit. La sincérité et l'humour sont des marques de ce roman qui, paru pour la 1ère fois en 1969, a été réédité en fin 2023.

            Nous quittons la folle ménagère pour retrouver dans Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour l'histoire d'une amitié entre un homme et un chien dont nous parle Chantal. Le narrateur est professeur et, après la lecture d'une annonce dans un journal, va avoir Ubac avec lequel il va tisser des liens très profonds. Il décrit dans des phrases émouvantes le bonheur quotidien de cet attachement, la profondeur, la complexité et l'intensité de cet amour, ou tout simplement les sensations physiques telles que l'odeur de son chien après la pluie comme l'annonçait le titre. Il va parler aussi du vide de la maison quand après un long compagnonnage le chien n'est plus là et beaucoup de lecteurs qui ont eu un animal aimé vont trouver dans ce livre un écho émouvant de leurs joies et de leurs chagrins.

            Dominique nous entraîne dans un marché où Anna, l'héroïne du roman de Joseph Incardona Les corps solides, après la mort de son mari et ayant enchaîné des boulots précaires part vendre des poulets rôtis sur les marchés pour que son fils Léo ne manque de rien. Elle aspire à la tranquillité dans leur mobile home au bord de l'Atlantique près d'un lieu où l'adolescent puisse surfer mais les ennuis financiers arrivent après l'incendie du camion-rôtissoire ; pour les résoudre Léo inscrit sa mère, à son insu, à un jeu absurde qui consiste à toucher une voiture le plus longtemps possible mais qui peut rapporter une très grosse somme d'argent. Cette histoire d'amour filial et maternel va se heurter à un monde cruel et cynique où le voyeurisme médiatique met à mal la dignité de la jeune femme. 

             Adeline Fleury a créé dans Le ciel en sa fureur un petit village tranquille avec ses maisons autour de l'église dont nous parle Marie Odile. Des femmes s'y sont installées : Julia vétérinaire, Stéphane maréchal ferrante, une rebouteuse, mais très vite les pages du livre laissent voir des phénomènes particuliers tel une pluie de grenouilles, et une ambiance de peur qui s'installe. Des atrocités sont commises et une chasse à l'homme va s'organiser pour trouver des responsables alors qu'un gosse bizarre qu'on appelle l'enfant fée rôde dans les sous-bois alentour. Entre mer et champs sur une terre balayée par les vents va se dérouler un roman envoûtant.

            Maguy voit dans Le grand secours de Thomas B. Reverdy une tragédie classique pour laquelle on peut parler d'unité de lieu, de temps, et d'action. Le roman se passe à Bondy près de la zone commerciale d'une bretelle de l'autoroute A3 et d'un camp de gens du voyage. L'action durera un jour, de 7 heures 30 du matin jusqu'à 17 heures le soir. Elle met en scène plusieurs personnages : Candice professeur de Français au lycée de Bondy qui a fait venir un écrivain pour un atelier d'écriture, Mo, Sara et leurs amis qui sont élèves dans ce lycée. Une altercation a lieu au carrefour et les conséquences vont grandir, enfler, devenir une émeute capable de tout renverser dans sa flambée de violence.

Des personnages différents, des époques et des lieux divers, des sourires ou des larmes timides : grâces soient rendues à tous ces livres présentés qui nous ont permis de voyager dans le temps et dans l'espace et de connaître des émotions douces ou fortes.  A ces plaisirs-là se sont ajoutés ceux de la gourmandise ! Deux délicieuses galettes nous ont été offertes qui ont permis de prolonger nos échanges en attendant la révélation, par fèves interposées, de l'identité des reines.