Rentrée littéraire à la bibliothèque

Le mois d'octobre est toujours un mois d'effervescence, de découverte de nouveaux titres de livres parus en fin d'été dans les librairies ou de redécouvertes de coups de cœurs oubliés. Ce fut le cas ce mardi 10 octobre autour de la table ovale de la bibliothèque de l'UTA où se pressait une vingtaines de lectrices.

            Faty nous a emmenées, à travers les pages du roman de Sorj Chalandon, L’Enragé, à Belle-Île-en-Mer en ce sombre mois d'août 1934 où 56 gamins de la Colonie pénitentiaire pour mineurs se révoltent et s'échappent la nuit du 27. Leurs conditions de vie sont terribles faites de cruels châtiments corporels et d'humiliations constantes ; la faim, le froid, les privations, un travail de forçat sont le lot quotidien des enfants aux crânes rasés et aux vêtements en lambeaux sur lesquels s'exerce la violence des surveillants. A la suite de cette révolte, pour rattraper les évadés la chasse à l'enfant est ouverte à laquelle participent les habitants de l'île, les touristes, tous ceux qui veulent gagner la prime de 20 francs offerte pour chaque enfant capturé. L'auteur y met sa propre révolte d'enfant battu, maltraité par son père, figure que l'on retrouvera dans plusieurs de ses autres livres. Macau, qui avait choisi le même roman a ajouté en illustration le poème qu'a écrit Jacques Prévert, présent sur l'île cette nuit-là, et qui parut dans le recueil Paroles en 1945.

Chasse à l'enfant.

            Bandit, voyou, voleur, chenapan

            C'est la meute des honnêtes gens

            Qui fait la chasse à l'enfant....

            Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement

            Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents

            Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment....

            Pour chasser l'enfant pas besoin de permis

            Tous les braves gens s'y sont mis.....

            L'atmosphère du roman choisi par Annie, Le café sans nom de Robert Seethaler, est plus douce, plus douillette. Dans la Vienne des années 60 Robert Simon journaliste qui vit près du quartier du Prater décide de réaliser son rêve : redonner vie à un café abandonné auquel par modestie il ne veut pas donner son nom. Des gens simples, cabossés par la vie, y viennent et forment une famille de cœur. Disparate, faite d'un boucher, d'une crémière, d'une prostituée... elle apporte à chacun ces liens qui recréent la vie et lui donnent des couleurs ; mais .... Avec Chantal nous avons pris le Paris Briançon de Philippe Besson, ce train de nuit dans lequel voyagent des gens qui n'auraient pas dû se rencontrer sans ce trajet en commun. Alexis 40 ans, médecin, Julia assistante de direction, un chauffeur routier italien et d'autres vont se découvrir, se connaître ; la fin inattendue du roman lui donne un air de thriller. Jeanine s'est laissée séduire par Natacha Appenah, et sa Mémoire délavée. C'est un récit autobiographique où l'autrice rend hommage à son grand-père qui a quitté l'Inde pour l'île de la Réunion pour être « engagé » ; c'est le nom que l'on donnait à ces immigrés venus de pays où ils vivaient misérablement et à qui l'on proposa, pour pallier le manque de main d’œuvre suite à l'abolition de l'esclavage, de venir travailler dans les plantations de colons européens. Leur contrat était de 3, 5 ou 10 ans. Roman court écrit pour tenter de garder la mémoire de cet engagisme, de ces temps qui tout doucement s'effacent de nos esprits.

            Léone a fait un retour dans le passé en nous parlant de Raboliot de Maurice Genevoix qui en 1925 remporta le prestigieux prix Goncourt. Le roman est un hymne à la nature de la Sologne, à ses bois, ses champs, ses habitants à travers l'histoire d'un braconnier qui donne son nom au roman et d'un gendarme, Bourrel, qui au nom de l'ordre s'oppose à lui. C'est en souvenir de son grand-père qu'elle a choisi ce roman.  Dominique nous présente le livre de Carole Sives, Le jour et l'heure. L’actualité, les discussions, un projet de loi parlent de la fin de vie, du suicide assisté ; ce sont ces thèmes là qu'aborde le roman. Édith, mère de 4 enfants devenus adultes et dont trois appartiennent au corps médical alors que Jeanne, la dernière, est artiste veut choisir le moment de sa mort car elle ne veut pas qu'ils assistent à sa future et inéluctable dégradation. Elle part en Suisse mais demande à ses enfants d'être à ses côtés dans cette décision ultime. Tous viennent et les moments de voyage seront pour chacun, dans le huis clos du moyen de transport, l'éclat des sentiments qui lui sont propres : la colère, l'incompréhension...Le sourire, l'humour, la légèreté s'invitent dans ces pages graves ; est-ce pour cela que l'on a tellement de peine à le lâcher ?

            Nous avions beaucoup de coups de cœur ; il nous manquait un coup de griffe pour donner du relief à notre réunion ! Marie-Odile y a remédié en nous parlant de Déserter de Mathias Enard où se mêlent des histoires qu'elle a eu du mal à raccrocher entre elles et dont le charme lui a paru introuvable ; heureusement elle a aimé Chaleur humaine de Serge Joncour qui nous emmène dans une ferme du Lot au temps du Covid où une famille que les années avaient séparée se retrouve et tente d'effacer les aspérités de leurs différences par le chaleur des liens familiaux reconstruits.

            Livres nouveaux, livres anciens, peu importe puisque le plaisir venu de la lecture est toujours présent et que nous aimons le partager.