De Troie à Lahore, sur les pas d'Alexandre le Grand et de Nicolas Bouvier

Description

En 1980, à vingt ans, l’âge de Télémaque au début de l’Odyssée, j’entrepris mes voyages initiatiques. En Sicile tout d’abord, en quête de mes racines paternelles ; « l’île du Soleil » où l’itinéraire aventurier d’Ulysse, maudit par Poséidon pour avoir éborgné le Cyclope, devint errance solitaire.
En quête des sanctuaires liés à Apollon - Bassæ, Delphes, Délos… - je partis dans la foulée pour la Grèce. J’étais déjà sensible à la légende d’Alexandre le Grand et aux passions de l’empereur Hadrien.
Le songe d’Égypte s’incarna dans l’équinoxe d’automne de 1981, lorsque la chambre des Dieux du temple d’Abu Simbel s’enflamma quelques minutes à peine afin de célébrer le triomphe du soleil sur les ténèbres. Ce fut le jour de mon baptême par la lumière, je serai désormais photographe. Dans la Mosquée Ibn Tulun, au Caire, j’eus la révélation de l’art islamique.
Il était temps d’accoster en Orient. Je vins en Turquie la même année, rêvant de Dardanelles et de Corne d’Or, de Pamukkale et de Byzance, de grottes dans les contrées choisies par Pier Paolo Pasolini pour sa Médée.
Mes regards d’alors, figés dans des ektachromes accidentés par manque de maîtrise et pâlis sous les effets du temps, disent mon émerveillement devant les minarets de Sinan et les kiosques de Topkapi, les coupoles de caravansérails traversées par les oiseaux et les fresques de Cappadoce. Au cours du voyage, j’eus des visions bibliques et découvris un peuple métissé. A Ankara, je fus troublé par le contraste entre l’amoncellement des maisons sur les collines et l’imposante solitude du mausolée de Mustafa Kemal.
Il me fallut attendre 1997 pour qu’un chantre nouveau me guide vers l’est. J’étais devenu un familier de l’Inde et rêvais d’emprunter les routes de la soie, mais il me manquait le récit des étapes. Nicolas Bouvier fit irruption dans ma vie, L’Usage du monde devint le bréviaire de mes périples. Selon moi personne n’a su traduire, comme il l’a fait non loin d’Erzurum, le bonheur du voyageur hors du temps et de l’espace.
J’ai suivi ses pas en Iran, de Persépolis à Tabriz, puis en Afghanistan, où j’ai eu le privilège d’animer deux « jeudis de Kaboul », ces rencontres entre « expatriés » auxquelles se mêlaient alors, en 1954, les aventuriers libres qui manquent cruellement désormais. Les vers de Rumi, peints sur la carrosserie déglinguée de sa Fiat Topolino, avaient pour Bouvier valeur de passeport.
Les bouddhas de Bamiyan ont été depuis réduits en poussière mais l’Esprit plane toujours sur ces grottes qui abritèrent moines, pèlerins et marchands venus des confins de l’Asie. Le fief du commandant Massoud est déserté mais les chevaux caparaçonnés hantent toujours les rives glacées du lac Band-e-Amir, tels ceux des Cavaliers de l’Apocalypse.
J’ai déployé mes itinéraires en Arménie, de Tatev près de la frontière iranienne à Haghpat, le monastère du moine-poète Sayat Nova ; en Géorgie, des tours archaïques de Svanétie aux cellules rupestres de Davit Gareja, qui dominent les plaines de d’Azerbaïdjan ; en Ouzbékistan, de Khiva à Boukhara, et au Tadjikistan, où les vestiges restaurés racontent la splendeur des lieux nourris d’échanges.
Depuis une décennie, j’explore ces territoires en quête des mémoires révélées sur les bords de l’Euphrate ou essaimées en Anatolie et dans la Grande-Grèce. A Izmir, les arcades et les colonnes du forum rappellent la puissance de Smyrne, à Hiérapolis les portiques dessinent des miniatures persanes, à Sardes la synagogue côtoie le temple d’Artémis. Le spectre de Zeus habite les roches de Labraunda et celui de la Vénus de Praxitèle les pierres de Cnidos. A Ephèse, on visite la maison de la Vierge et de nombreux vestiges chrétiens disent combien les côtes de Lycie, Lydie, Carie, en écho aux ruines de Saint-Siméon en Syrie et aux falaises du Mont Athos en Grèce, furent des havres de prière et d’ascèse.
Les incursions dans les terres m’ont permis de prendre la mesure des richesses spirituelles de ces territoires à la croisée de l’Orient et de l’Occident, au-delà des conflits. A Göbleketepe et dans les nécropoles d’Adiyaman, on perçoit l’écho des rites funèbres ; au Nemrut Dagi, les inscriptions grecques m’ont raconté l’histoire d’un roi issu des conquêtes d’Alexandre qui associait Apollon au dieu perse Mithra et à la déesse arménienne Anahit ; à Urfa, lieu présumé de la naissance d’Abraham, j’ai assisté à la prière du vendredi.
Dans le sillage d’Enée, lui aussi parti de Troie, les navigateurs s’établirent loin de leur patrie et, en attente des prophéties d’Apollon, ils consultèrent les oracles. A Didymes, les corridors de marbre poli se firent l’écho des antres de la pythie de Delphes, nombril du monde grec, de la Sibylle de Cumes, non loin du Vésuve et, enfin, de l’oracle d’Ammon, dans l’oasis de Siwa, consulté par Alexandre le Grand.

 

Détail
Antenne
Vannes
Thème
Arts
Conférencier
Ferrante FERRANTI
Prix
5 €
Prix (non adhérents)
7 € (la conférence est donc ouverte aux non adhérents)
Date de la session
28/09/2023 14h30
Lieu de la session
Vannes, IUT, 8 rue Montaigne, amphi Sauvy
Durée
01h30
Nombre de places
242