Coups de coeur à la bibliothèque !

Rentrée littéraire et gourmande mardi 4 octobre autour de la table ovale pour des lectrices nombreuses et curieuses de titres nouveaux.

            Jeanine nous a parlé de la joie que lui avait procurée Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre Adrian. Le narrateur, de retour dans une maison de famille témoin de ses vacances d'été heureuses et insouciantes, mêle présent et passé dans une réflexion qui émeut le lecteur sur l'amour, la mort, le temps qui passe, le déclin de ceux que l'on aime. Marie-Christine nous a emmenés, avec Voyage au bout de l'enfance de Rachid Benzine à Raka en Syrie où Fabien un élève joyeux d'une classe de CE2 à Sarcelles, aimant le sport et la poésie, part brutalement avec ses parents rejoindre les camps d’entraînement de DAECH. Malgré son amour de la vie qui lui permet de transfigurer la réalité sombre pour la rendre supportable, la violence et la mort, reçue ou donnée, l'embrigadement vont tout doucement le transformer. Marie-Dominique, qui aime la science fiction, a choisi 2084 de Boualem Sansal. Cette dystopie d'un monde après la fin du monde nous plonge dans une dictature religieuse, une idéologie totalitaire où l'enseignement d'une nouvelle langue obligatoire, la manipulation, l'endoctrinement en font un livre de la désespérance comme l'était déjà 1984 de George Orwell auquel le tire fait référence. Mais à partir de quelques-uns qui refusent d'obéir la résistance s'organise autour de cette affirmation : être libre est plus fort que mourir. Sylvie a beaucoup aimé L'Ukrainienne de Josef Winkler ; l'écrivain autrichien loue, pour écrire son nouveau roman, une chambre dans une ferme de montagne où il noue une relation de confiance avec sa logeuse. Le roman devient alors récit car il laisse la parole à cette paysanne ukrainienne qui lui raconte sa vie : née en 1928 en Ukraine elle est amenée de force avec sa sœur par l'armée allemande pour travailler dans une exploitation agricole. Elle et sa famille ont connu les expropriations massives, l'extermination par la faim infligée à l'Ukraine par le pouvoir soviétique. Cette autobiographie d'une intensité bouleversante nous fait connaître l'histoire de ce pays que l'actualité remet tragiquement en première ligne. Maguy nous parle de  Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea. Les parents de Maria la narratrice du roman, Victoria et Julian sont deux enfants abandonnés à leur naissance et confiés l'un aux Jésuites, l'autre aux religieuses d'un couvent. L'alternance entre l'enfance de Victoria et de ses 10 frères et sœurs, l'équipe de foot du malheur, celle de Julian qui fuit l'orphelinat pour s'embarquer en mer et celle de la narratrice entraîne le lecteur dans un secret de famille. Le style est enlevé, cru parfois, plein d'images qui séduisent. Avec Zouleikha ouvre les yeux de Gouzel Lakhina qu'a choisi Françoise nous changeons de pays et d'époque. Dans la Russie de 1930 l'héroïne du roman une jeune fille tatare de 15 ans est déplacée en Sibérie ; ce long voyage va la transformer avec les interrogations qu'il fait naître sur sa condition, sur les gens déplacés avec lesquels  elle va créer un village. C'est un roman féminin et féministe où sont mises en valeur la faiblesse et la force des femmes, où l'amour et la tendresse se mêlent, où rien n'est superflu. La véracité et l'authenticité s'allient à la richesse des images qui adoucissent le côté dramatique des événements. Marie Odile a fait la rencontre, sur un banc, de Joyce Carol Oates et de son roman Carthage.  Les trois divisions du roman : Partie, Exil et Le retour présentent une famille américaine aisée, vivant dans les années 2005 à 2012 dans une grande et belle maison comme nous les montrent les séries télévisées. Tout semble aller bien si ce n'est des fiançailles rompues entre Juliet et le caporal Brett de retour de la guerre d'Irak dont la violence a brisé son corps et son cœur. La jeune sœur Cressida disparaît et tout accuse l'ancien soldat. 7 ans après cette disparition arrive un étrange personnage : va-t-il permettre de résoudre le mystère ? Jack London dont l’œuvre fut prolixe et la vie aventureuse écrit parfois pour les enfants ;  mais Édith pense que L'appel de la forêt ou l'appel du monde sauvage, est un livre pour les adultes. Nous sommes à la fin du 19ème siècle pour lire l'histoire d'un chien qui devient chef de meute et dont la violence devient le moyen d'expression car elle seule permet de survivre dans l'environnement hostile auquel il s'est heurté après avoir été enlevé et vendu en Sibérie. Les images de mort, de cruauté sont omniprésentes mais la tendresse va effleurer parfois. La fin du roman le retrouvera revenu loup dans ce monde sauvage auquel il s'est adapté. Macau choisit un roman de guerre, d'amour et de poésie Le soldat désaccordé de Gilles Marchand. De 1920 à 1935 le narrateur, blessé dès le début de la guerre en octobre 1914, va se mettre au service des familles qui recherchent désespérément où a disparu le fils ou le mari ou le père qu'elles aimaient pour pouvoir, peut-être, commencer leur deuil. Madame Joplain bourgeoise riche veut qu'il retrouve Émile son fils unique dont elle est persuadée qu'il n'est pas mort et dont la trace a été perdue en 1916 sur les champs de bataille du Pas de Calais. Le roman sera l'histoire de cette enquête mais aussi celle de l'amour fou interdit - socialement - du jeune homme pour Lise la lingère de leur maison de vacances et celle d'une forme féminine mystérieuse que les soldats croient voir les soirs de lune comme un fantôme blanc qui se penche sur les blessés. La beauté des images, l'insolite de certaines situations le sourire désarmant qu'elles font naître, atténue l'horreur de la guerre et font de ce livre non pas un énième roman sur les tranchées mais un petit bijou de réalisme et de rêve.

            Cette rentrée littéraire voulait aussi être gourmande et, autour de rochers à la noix de coco, de madeleinettes et de thé aux fruits rouges, les conversations ont prolongé ces univers si différents  et ces rencontres avec des personnages de papier que nous offrent les livres.