Coups de coeur, coup de griffe
Nous étions nombreux en cette rentée littéraire autour de la table ovale partageant nos coups de cœurs ou nos agacements.
Faty a ouvert notre échange en nous parlant du bonheur qu'elle avait eu en lisant Finistère d'Anne Berest, récit initiatique qui se déroule en Bretagne et dans lequel la narratrice retrace l'arbre généalogique de sa famille paternelle pendant que se mêlent au dehors des moments de la grande histoire. Les êtres aimés, perdus, retrouvés, dont ce département du bout de la France, cette fin de terre est le point de départ et le point d'arrivée ; elle nous invite aussi à écouter l'émission La Grande Librairie du 17 septembre.
Françoise nous parle avec sensibilité des Chaussures Italiennes de Henning Mankell. Un ancien chirurgien de 66 ans vit reclus et solitaire dans une île près de Stockholm tentant d'oublier une dramatique erreur professionnelle. Un amour de jeunesse réapparaît dans sa vie et dans un cheminement difficile il va réparer, se réparer, se pardonner, se réconcilier avec la vie et les autres ; la nature sert de décor à ces réflexions qui jalonnent une fin de vie.
Connemara de Nicolas Mathieu a charmé Chantal par son étude des rapports entre les classes sociales, par la chanson de Michel Sardou présente en sourdine dans le roman, par le retour d'Hélène après un burn-out à Épinal sa ville d'origine dont de brillantes études l'ont éloignée et sa rencontre avec Christophe, admiré pour ses talents de hockeyeur lorsqu'ils étaient tous deux lycéens. L'amour, le passé, le présent, l'échec de leurs mariages respectifs donnent une jolie tonalité romanesque au livre.
Interrompant ce cycle romanesque Jean-Pierre nous a parlé d'ornithérapie et du bien que peuvent nous faire les oiseaux, l'écoute de leurs musiques, l'observation de leurs couleurs. La petite philosophie des oiseaux de Philippe Dubois et Élise Rousseau montre comment ils nous aident à combattre nos maux.
Dans Gaza dévastée L'homme qui lisait des livres est pris en photo par un reporter qui déambule dans ruines de la ville. Mais la photo ne pourra être prise qu'après que ce lecteur assis sur la marche de ce qui fut autrefois sa librairie aura parlé de lui, de la ville de la guerre. Dominique nous a fait partager la force de ce petit livre qui parle d'exils, de déplacements de camps en camps, de chagrins, de disparitions de ceux qu'on aime, de la perte des siens.
Après les paysages du Finistère nous sommes allés face à Saint-Malo dans l’îlot de Cézembre dans le charme d'une grande maison de famille dans laquelle Yann de Kérambrun, professeur à la Sorbonne, vient passer quelque temps et même peut-être vivre. Écrite par Hélène Gestern cette saga familiale a beaucoup plu à Marie Odile par les longues descriptions du vent, des vagues, des couleurs de la plage du Sillon selon les heures de la journée, et par les personnages magnifiques de cette l'histoire naissant avec Octave de Kérambrun, le créateur des premières liaisons maritimes avec l'Angleterre. Naturellement un secret de famille, une femme jeune et jolie qui court sur la plage, des oncles et des tantes qui se taisent puis se mettent à parler ajoutent au mystère du roman.
Nous avons laissé ces paysages marins pour aller en Iran avec Le gardien de Téhéran écrit par Stéphanie Perez. Le shah est au sommet de sa gloire et l'impératrice Farah Diba, amatrice d'art, fait construire à Téhéran un Musée d'Art moderne qui par la beauté et la célébrité des œuvres qui y seront présentées sera une vitrine pour le pouvoir impérial. Un jeune homme venu des quartiers populaires de la capitale, engagé d'abord comme chauffeur pour transporter les tableaux, se prend au fil des mois de passion pour la peinture, la beauté des œuvres et lors de la révolution islamique de 1979 va, au péril de sa vie, sauver les tableaux de la destruction promise et veiller sur eux. Le roman qui ressemble parfois à un documentaire parle de religion, de politique, de la vie des notables et de celle du petit peuple.
Avec passion Jeanine nous fait partager la beauté d'Eclaircie écrit par Carys Davies. Dans les années 1840 John Fergusson, pasteur dissident de l’église protestante d’Écosse, part dans une toute petite île des Nouvelles Hébrides expulser le seul et dernier habitant, Ivar, car les grands propriétaires terriens veulent dans ces îles récupérer leurs terres pour y pratiquer l'élevage des moutons qui sera d'un meilleur rapport pour eux. Une étrange amitié va se tisser lentement entre les deux hommes qui ne parlent pas la même langue et vont devoir s’apprivoiser.
Après tous ces livres aimés le coup de griffe de Anne-Marie nous a paru rafraîchissant ! Claire Jehanno dont nous avions tous aimé La Jurée l'a agacé profondément dans Qu'importe la nuit. Victoire et Jérôme, ensemble de puis 10 ans, préparent leur mariage dans leur propriété de Touraine. Mais à un mois de l'événement, au volant de la voiture d'un ami, le jeune homme percute une silhouette la nuit. A partir de là plus rien ne va : ni la victime dans le coma, ni le futur marié, ni son entourage n'ont de consistance et n'intéressent Anne-Marie qui n'aura même pas envie de prendre des nouvelles de la malade !
Une fois de plus personnages réels ou fictifs, paysages d'ici ou d'ailleurs nous ont emmenés dans d'autres horizons d'où naît le plaisir de la lecture.