Coups de coeur, coups de griffes

Chaque début de trimestre à la bibliothèque des livres aimés, ou rarement des moins aimés, sont présentées par des lecteurs, des lectrices qui veulent faire partager leur plaisir ou leur déception et créent ainsi un catalogue de titres !

            Faty nous a parlé du livre de Guillaume Durand Déjeunons sur l'herbe dont le titre évidemment fait référence au tableau d' Édouard Manet. Passionné d'art le journaliste et animateur de radio et de télévision présente en 29 petits chapitres superbement illustrés l’œuvre de Manet avec laquelle interfèrent des œuvres d'autres artistes qui lui sont postérieurs. Il aime tout du peintre, ses noirs, ses ivoires, ses amoureuses, sa vie romanesque et la maladie rapportée du Brésil. Lu en temps de confinement ce livre a été une échappatoire, un plaisir de recluse et une immersion dans le monde de la peinture. Nous restons dans l'univers des peintres et Maguy nous emmène sur les bords de La furieuse, petite rivière du Doubs, dans laquelle se baignait Courbet. Le sous titre donné par Michèle Lesbre, rives et dérives, est une clé pour  partir sur les cours d'eau : la Loire, la Moldau, la Neva, le Danube et rencontrer Julien Gracq, Prague, les nuits blanches de Saint Saint-Pétersbourg, Kafka et tant d'autres. Ce sont aussi des dérives dans le passé ou le présent, les migrants, la Hongrie ... C'est le récit d'un voyage intime traversant les œuvres d'auteurs aimés qui ont descendu ou remonté ces fleuves. Écrit pendant le confinement le roman apparaît aussi comme une façon de résister à l'immobilité. Il ne s'agira pas d'immobilité dans l'ouvrage de Laurent Mauvigner, Continuer, présenté par Marie-Odile. Une mère et son fils Samuel de 16 ans partent. Elle veut le détourner de la pente dangereuse vers laquelle il glisse, l'éloigner de son environnement nocif et l'emmène au Kirghizstan. A cheval, dans la précarité d'un voyage difficile ils vont se heurter à des conditions de vie qui exigent d'eux des qualités physiques et une force de caractère qui vont les modeler et créer entre eux des liens ineffaçables. Le cheminement dans la montagne devient une allégorie pour le chemin intérieur qu'ils parcourent dans ce moment de vie. Marité continue cette épopée voyageuse à travers les mythes et légendes du Canada qui servent de toile de fond à Les mangeurs de nuit de Marie Charrel, journaliste au Monde et romancière. Hannah fille d'une Japonaise et d'un bûcheron de Colombie Britannique est bercée par des contes nippons mais aussi par les légendes autochtones et sa rencontre avec un ours blanc, animal qui n'existe que dans les récits imaginaires, va développer en elle d'étranges dons. Fresque historique des années 1920 jusqu'à l'après guerre, du racisme qui exista face aux Japonais en Amérique, le livre est aussi une ode à la nature, à la beauté des forêts. Il rappelle la nécessité de raconter et d'écouter des histoires. Chantal a choisi Petite sœur de Marie Nimier. C'est le surnom donné à la narratrice, Alice la trentaine, par son frère Mika. Il vient de mourir à 28 ans et le roman retrace leur enfance, les souvenirs heureux,. Ils ont grandi dans une famille de comédiens, aux côtés d'une grand mère fantasque, ont fait les 400 coups ensemble mais pourtant ne se sont pas revus pendants 7 ans. Pourquoi ? Insolite et bouleversant le récit explore les sentiments mais aussi par le pouvoir des mots l’ambiguïté des relations fraternelles. Avec Jeanine nous partons en Islande et au Danemark par la plume de Arnaldur Indridason. Ce n'est pas un roman policier de cet auteur qui nous a habitués aux enquêtes du Commissaire Erlandur mais L'horloger et le roi. C'est à la fois un roman historique sur l'Islande sous domination danoise et plus précisément les règnes des rois Christian VII et Frédéric V. La reconstruction d'une extraordinaire horloge astronomique qui est dans le palais du roi à Copenhague est confiée à un horloge islandais, taciturne mais très habile. Questionné par le roi sur sa vie en Islande il va parler de sa famille, de son histoire terrible venue de la cruauté des lois  royales. C'est aussi un roman sur la fuite du temps, sur la perte d'êtres chers, sur la façon dont on survit à ces disparitions. L'Italie et l'Argentine remplacent Islande et Danemark dans Trois chevaux d'Erri de Luca dont parle Macau. Le narrateur, qui est italien et a la quarantaine, revient à Naples après 20 années passées en Argentine. Il y est parti par amour pour Dvora rencontrée lors d'une escalade en montagne et aimée instantanément. La dictature des miliaires les fait entrer dans la résistance mais la jeune femme est arrêtée et disparaît. S'ensuit alors pour le narrateur la fuite, l'errance, la violence puis le retour en Italie où il travaille comme jardinier. Une seconde rencontre féminine, Laïla, va bouleverser sa vie et dans un récit en va et vient se reconstitue, sans ordre chronologique, le cours des années, leurs ombres et leurs lumières.