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Nous avions commencé l'année universitaire dans l'enthousiasme des liens recrées autour des livres par une présentation, masquée certes, mais si joyeuse dans la salle Morbihan le 13 octobre 2020 qui laissait présager de nombreuses autres rencontres au gré des mois qui s'écouleraient. Las ! Le Covid 19 et ses multiples variants aux noms voyageurs mais créant des horizons qui se ferment douchèrent ce bel enthousiasme et chacun regagna ses foyers dans un confinement où les voyages immobiles dans un fauteuil, au gré des pages lues, remplacèrent les déplacements réels. 

Nous avions amorcé l'année : il fallait la clore ! C'est ce que nous fîmes en cet après midi du 29 juin à nouveau masqués mais toujours dans la salle Morbihan en présentant nos coups de cœur.

On parla de Jean Christophe Rufin qui a troqué, il y a déjà deux ans, son habit d’académicien contre celui d'un auteur de polars dont le personnage récurrent est Aurel Timescu petit consul mal habillé, détestant les cocktails mondains, maladroit dans tout ce qu'il touche sauf si ce sont des bouteilles de tokay venues à grand frais de la Hongrie lointaine. Incompétent dans les affaires de diplomatie il sait cependant résoudre le mystère des disparitions ou des morts que les ambassades auraient aimé faire passer comme accidentelles dans Le suspendu de Conakry, Le flambeur de la Caspienne ou le récent La princesse au petit moi.  Alice Ferney lui succéda avec Intimité ou des prénoms et des silhouettes de femmes, Alma, Ada, Alba, Sandra nous entraînent dans les méandres des sentiments amoureux et, plus sociétales, dans les questions d'éthique que posent la PMA, la GPA et d'autres combats féminins. La plume est alerte, incisive pour accrocher le lecteur, le prendre à témoin comme le font les romans précédents de cette autrice. Lui succéda l'écrivaine italienne Francesca Melandri et son roman Plus haut que la mer. Le titre fait référence à une phrase du narrateur : si l'on veut isoler un homme de la société des autres hommes il n'y a pas de mur plus haut que la mer. Il s'agit en en effet d'une prison de haute sécurité dans laquelle sont enfermés des hommes que l'on juge dangereux dans le contexte de Brigades Rouges de l'Italie des années 70 et qui est située dans une île dont l'accès est très difficile. Un homme professeur d'université, une femme agricultrice ayant élevé presque seule ses 5 enfants se rencontrent sur le bateau qui les emmène au centre pénitentiaire ; l'un va voir son fils qui y est incarcéré, l'autre son mari. Un gardien de la prison, sa femme, une tempête qui empêche le retour des visiteurs le soir même : tout se met en place pour un presque huis clos où seront très présentes délicatesse et écoute de l'autre.

Anne Marie a présenté Pipes de terre et pipes de porcelaine de Madeleine Lamouille dans laquelle est décrite la condition des domestiques au 19éme siècle à travers les souvenirs de l'auteur recueillis par le petit fis de l'une des maisons dans laquelle elle a servi. Ces témoignages oraux, retranscrits pour pouvoir être publiés, témoignent de ce qu'on pourrait appeler aujourd’hui un esclavage moderne alors que la servitude des uns était considérée comme normale par les autres. Mais Madeleine sut dire non parfois et en cela nous apparaît (un tout petit peu) révolutionnaire. Un autre livre/témoignage lui a fait suite ; La plastiqueuse à bicyclette de Jeanne Bohec née à Plestin les Grèves en 1919 et morte en 2010. Résistante engagée dans les Forces Françaises Libres elle a d'abord travaillé à la poudrerie de Brest, apprend les techniques de sabotage et sillonne sur son vélo  la Bretagne pour former des équipes de saboteurs avec lesquels elle organise des actions apportant  ainsi selon Jacques Chaban Delmas « la preuve éclatante que les femmes sont capables d'atteindre un degré de courage, de détermination et d'efficacité accessible à peu d'hommes » On retrouve sa trace à Plumelec et à Malestroit auprès des Dominicaines qui soignaient les résistants. Maguy a été séduite par l'écriture de Maylis de Kerangal à travers 2 ouvrages Canoë, et  Ni fleurs ni couronnes Le premier est un recueil de nouvelles brillant et émouvant, bruissant de sons et d'émotions où l'on retrouve cet art de l'analyse des impressions, de leur finesse qui fait la singularité – et le charme – de l'auteur. Le second est composé de deux courtes histoires Ni fleurs ni couronnes qui donne son titre au recueil et Sous la cendre (des pentes du Stromboli)  ; différentes dans l'époque et les lieux elles racontent la rencontre entre un homme (ou deux) et une femme, la disparition, la mort.

Jeanine nous a parlé d'abord du dernier ouvrage de Metin Arditi : L'homme qui peignait les âmes. Le roman se déroule au tout début du 12ème siècle dans un monastère proche de Saint Jean d'Acre où le jeune Avner est fasciné par les icônes qu'il y découvre et par le travail des moines. Pour pouvoir peindre les images sacrées il va accepter d'être baptisé en taisant qu'il n'a pas la foi faisant de l'imposture une base du récit. Parce qu'il prend des libertés avec cet art pictural il fera l'objet d'un procès dont le verdict est qu'il doit quitter la communauté et voir ses icônes brûlées dans un autodafé. Juif Séfarade comme Metin Arditi le héros de ce roman, dans sa célébration de l'art et du lien qu'il crée entre les hommes, délivre un message de paix, de bienveillance et de tolérance. Puis elle nous a entraînés dans l'ouvrage de Bruno Garcin Petits oiseaux, grands arbres creux qui est, selon ses dires, un ouvrage aux aspects multiples à la fois roman, carnets de voyages, essai, poèmes, un méli mélo d'aphorismes, de souvenirs de voyages, un recueil d'impressions sur la nature, le temps qui passe ou sur différents arts ; parce qu'il serait trop simple ou trop ennuyeux d'avoir un fil directeur il n'y a dans tout ce bric à brac amusant mais toujours intelligent  ni chronologie, ni chapitres, ni thématiques  ! Admirations, coups de cœurs ou coups de griffes c'est un petit peu la manière de nos cafés littéraires !

            Et c'est effectivement autour d'une boisson et de petits carrés de far breton que nous avons fini ces échanges de livres aimés, ou un peu moins, en nous souhaitant un bel été riches de voyages venus des mots et des paysages qu'ils font naître.