Marguerite Yourcenar présentée à la bibliothèque

De l’inconscience, il en fallait un peu pour s’attaquer à cette icône de la littérature française qu’est Marguerite Yourcenar avec deux œuvres : un recueil de nouvelles, Les Nouvelles Orientales, publié en 1938 et Les Mémoires d’Hadrien publié en 1951.

Écrites au cours des 10 années ayant précédé la guerre, et publiées séparément, les 10 nouvelles ont été retravaillées pour constituer le recueil ; elles sont historiques ou fantastiques et se rapprochent plus du conte que de la réalité.

L’adjectif oriental se justifie par le fait que l’auteure s’est inspirée des fonds culturels méditerranéen ou extrême-oriental.

Composées de textes d’inspirations mythologiques ou légendaires, elles traitent sur différents modes le thème du désespoir amoureux et des souffrances sentimentales.

Les Mémoires d’Hadrien, bien que fondé sur un travail de documentation extrême, est une œuvre de fiction, où le personnage se livre à une espèce d’écriture testamentaire. Jugeant sans complaisance sa vie d'homme et son œuvre politique, il se remémore sa naissance et son enfance en Espagne, son métier de militaire, son attachement pour l'empereur Trajan, son opposition à la guerre en Asie où il fut gouverneur de la Syrie, son accession à l'empire, sa volonté de paix mais son obligation de protéger le territoire et de réprimer les révoltes (en particulier, celle des Juifs), sa volonté d'équilibre, de culture et de beauté, son amour pour le jeune Grec Antinoüs perpétué au-delà de son suicide, sa sagesse et la préparation de la succession.

 

A l’origine, Marguerite  Yourcenar avait surtout de l’intérêt pour l’esthète bâtisseur et l’amant d’Antinoüs. Après les bouleversements de 1944-45, c’est l’actualité de l’homme politique qui la fascine : « Si cet homme n’avait pas maintenu la paix du monde et rénové l’économie de l’empire, ses bonheurs et ses malheurs m’intéresseraient moins ». Yourcenar y voit peut être un parallèle entre le règne d’Hadrien, au cours duquel le monde romain retrouve la paix et l’harmonie après les guerres de l’empereur Trajan et le monde de la deuxième moitié du XXe s dont elle espère qu’il retrouve lui aussi la paix et l’harmonie.

Hadrien incarne pour elle toute la richesse d’un homme sans dieu, pleinement humain, c’est-à-dire presque divin.

Elle a travaillé des années sur le personnage, a tout lu sur lui, a multiplié les rencontres avec des savants, ce travail a été facilité par son niveau d’érudition dont le roman est le reflet mais il est le reflet aussi des préoccupations sociétales et sociales de Marguerite Yourcenar, qui trouve encore aujourd'hui un écho dans les consciences et expliquent le succès du roman dès sa sortie en 1951.