Paula Modersohn-Becker à la bibliothèque

Rituellement la dernière animation de la bibliothèque fait se répondre les mots et les images. Ce fut le cas ce mardi 7 juin autour de la vie et de l’œuvre de Paula Modersohn-Becker peintre allemande née en 1876 à Worpswede et morte dans cette même ville en 1907 à l'âge de 31 ans.

            Marie Darrieussecq lui a consacré une biographie ou plus exactement, à partir des notes du poète Rainer Maria Rilke qui fut son ami, une histoire qui n'est pas la vie vécue de Paula M. Becker mais ce que l'écrivaine en perçoit un siècle après. Le titre de l'ouvrage n'est pas non plus le nom de la peintre mais une phrase de Rilke à nouveau Être ici est une splendeur.

            Paula Becker est née dans cette ville du nord de l’Allemagne qui attira beaucoup d'artistes en cette fin du XIXème siècle et fut surnommée le Barbizon allemand. Comme ce fut le cas en France les peintres se coupaient de la capitale, s'éloignaient de la ville pour chercher une nouvelle esthétique. Ce qu'elle voulait c'était peindre et elle fit plusieurs séjours à Paris, lieu incontournable pour les artistes de ces années-là. Elle y arriva la première fois le 1er janvier 1900, fréquenta l'Académie Colarossi, puis l’École des Beaux Arts ouverte depuis peu aux jeunes filles où devant des modèles posant nus elle se familiarisa avec l'anatomie et put plus tard peindre les corps, les visages les mains des paysannes déformées et abîmés par la misère ou les trop nombreuses grossesses. Se détournant des peintures de paysages, ou de tableaux conventionnels qu'elle trouvait trop mièvres elle peignait ce qu'elle voyait, admirant les précurseurs qu’étaient alors Picasso, le Douanier Rousseau, Cézanne. "Je n'ai cessé de penser à Cézanne ces derniers temps et j'y pense toujours.... artiste puissant il m'a frappée tel un orage et un grand événement." Cette liberté d'artiste elle la recherchait aussi dans sa vie de femme, dans la solitude de la lande où elle aimait marcher, se baigner nue, s'adonner au naturisme et aux pratiques sportives dans lesquels l'Allemagne de ces années voyait une règle de vie où l'hygiène tenait une grande place.

            Dans une soirée d'artistes elle fit la rencontre d'Otto Modersohn, peintre déjà à la mode,  dont elle aima les tableaux mais aussi la carrure, la maturité - il avait 11 ans de plus qu'elle. Il était veuf depuis quelques mois lorsqu'ils se marient en 1901. Une certaine désillusion suivit ce mariage et elle part à nouveau à Paris en 1906 pour, selon ses mots, devenir quelqu'un. Cette période sera très riche puisqu'elle peindra plus de 600 tableaux. « Paula est une bulle entre deux siècles : elle peint vite comme un éclat ». Mais Otto l'aime encore, la supplie de lui permettre de la retrouver en France où ils passeront 6 mois. Paula est enceinte en mars 1907. Mathilde naîtra le 2 novembre et la jeune femme mourra, des suites de l'accouchement, le 20 novembre.

                                                                                                                                        

            Peu connue en France mais révélée en Allemagne par la publication de son journal intime 10 ans après sa mort elle y deviendra une véritable star même si ses œuvres étaient encore peu exposées.

            Isabelle à travers des images de portraits, d'autoportraits, de maternités montrera l'évolution dans sa manière de peindre, sa modernité, la simplification de la forme par des grands aplats. Elle peint des modèles vivants et les petites filles de son entourage, la petite Elsbeth qu'Otto eut de son premier mariage. Elle est marquée par les portraits du Fayoum, ces portraits funéraires de l’Égypte romaine insérés dans des bandelettes au niveau du visage de la momie où le défunt est représenté le visage de face et dont on retrouvera l'influence dans les nombreux autoportraits. Elle se représente souvent tenant dans les mains un objet ou une fleur comme une offrande ou avec un collier d'ambre. Le premier portrait d'elle où elle est dévêtue jusqu'à la ceinture et qui sert d’illustration au livre de poche de Marie Darrieussecq est le premier portrait nu qu'une femme peint d'elle-même.

            Son activité est intense : après sa mort on retrouvera dans son atelier  plus de 1000 dessins et 700 tableaux. Les Français purent la découvrir lors de la première exposition qui lui est consacrée en 2016.

            Pouvons-nous finir cette courte présentation par le dernier mot qu'elle prononça : dommage ? Elle aurait aimé partir des fleurs aux mains et aux cheveux ; nous trouvons dommage que les années ne lui furent pas accordées plus nombreuses pour peindre encore des femmes en fleurs.