Plaisir d'écrire (2e partie)

L’atelier « PLAISIR D’ÉCRIRE » est proposé depuis 2012 aux adhérents de l’UTA. Les participants écrivent des textes de 750 mots environ sur un thème proposé (ou sur un thème de leur choix) qui sont lus à voix haute par les auteurs et commentés par le groupe au cours des réunions mensuelles. Chacun fait part de ses impressions, de ses remarques avec bienveillance. Les ricochets culturels sur les textes ne manquent pas : idées de livres, d’expositions, de films, etc.

Une sélection des textes choisis par les participants à l’atelier de l’année 2021-2022 vous est proposée ci-dessous.

Bonne lecture

 

De Michelle

Demain

C’est demain que je commence.
Le printemps est en avance.
Les herbes folles ont envahi les parterres, On ne voit plus un mètre carré de terre.

Demain sera un beau jour pour prendre les outils
Il fera bon sous le soleil ou sous la tente de coutil
Je mettrai la salopette que m’a offerte Jeannette
Et cueillerai les pâquerettes pendant que le chat guette,

Je suis vraiment très motivée,
Oh comme c’est bon pour la santé ! Semer des fleurs, des aromates Regarder pousser les tomates.

Aujourd'hui je me lève en avance, Ça y est, je suis en vacances. C’est sûr, demain je commence. Demain !

Michelle Coat

 


De Catherine

Mon premier boulot

Les vacances sont enfin là. Les cours ont pris fin et une partie de
ma vie aussi.J’ai quinze ans et mes parents vont divorcer.
Je dois dire qu’ils ne m’ont pas fait de cadeau. Disputes, cris, pleurs, menaces, lettres anonymes jusqu’à ce que ma mère, épuisée par un combat perdu d’avance, jette mon pèredehors avec sa valise.
Les affrontements ont cessé et je goûte au calme retrouvé. Mon année a été chaotique mais je m’en sors bien. Mon père, être charmeur et volage n’avait pour moi qu’un défaut. Je devais être la fille parfaite. Studieuse, brillante, obéissante, calme et réfléchie. Aussi, chaque fin de trimestre, les murs tremblaient sous ses cris de colère, à la lecture de mon bulletin. Ma mère et moi redoutions ce moment que rien ne semblait endiguer. Ce n’était jamais assez bien. Des années que je subissais ces emportements. Le départ de mon pèrevenait de m’offrir la paix dont mon adolescence rêvait.

Ma mère a repris le travail. Elle est le plus souvent silencieuse mais attentive à ma vie. Juillet démarre et elle s’est mise en tête de m’occuper. Tu es grande, dit-elle, aussi ai-je pensé que tu pourrais travailler.
Quoi de mieux que de me "refiler'' à mon père. Il peut me prendre dans son bureau pour quelques travaux de secrétariat. Son associé est en vacances. Pour un premier boulot, ce tête-à-tête ne pourra que m’être bénéfique. Si ça peut aussi l’emmerder de m’avoir dans les pattes. Tous les coups sont permis. Bah ! Je ne le prends pas mal. J’aime le quartier, j’aime son bureau, et j’aime mon père.
La société de transport dont il s’occupe se trouve au cœur des Halles. Depuis mon enfance, mes visites dans le ventre de Paris sont un enchantement, chaque fois renouvelé. Depuis le Chatelet, la rue de Rivoli et la traversée du Pavillon des fleurs ou celui des fromages, mes yeux, mes oreilles et mes narines s’emplissent de toutes les couleurs, de toutes les odeurs et de tous les cris tonitruants de cette fourmilière nourricière.

Pour mon premier jour, mon père m’a demandé d’être là à quatorze heures. Robe d’été, bras et jambes nus, cheveux longs et défaits, encadrant mes joues encore rondes. Parfaite pour une débutante.

Je me prépare sans appréhension et grimpe dans le métro. Je rejoins Paris par la ligne de Sceaux. Je suis en avance. A cette heure, il y a peu de monde.
Mon cœur s’arrête de battre. Pierre vient de s'asseoir en face de moi.
Pierre, mon ami d’enfance, mon petit copain de jeux et d’escapades à vélo. La banlieue sud était un paradis de bois, de champs et de terrains en friches pour nous, les enfants des années 60. Je ne l’ai pas vu depuis un bon moment. Pourtant il habite toujours le quartier.
Il me dévisage, le sourire aux lèvres comme s’il me découvrait pour la première fois. Son regard insistant me fait rougir.
Que deviens-tu ? me demande-t-il. Il n’a pas vraiment changé. Juste grandi. Son sourire lumineux presque carnassier lui donne une assurance qui me trouble instantanément.
Que répondre ? Je marmonne un truc du genre : rien de particulier ! J’ai le feu aux joues et je me sens bête à pleurer. Je finis par murmurer que je me rends à mon premier boulot avant de partir en vacances en août. Je lui déballe d’un coup que mon année a été dure et que mes parents sont en plein divorce. Son regard s’adoucit et son sourire m’enveloppe d’une tendresse inattendue.
Et toi, balbutie-je pour couper court à mon embarras.

Tout va bien. J’ai pris un petit boulot juste pour juillet avant de partir en Espagne en août. -Aujourd’hui je suis libre. J’ai rendez-vous avec des copains au Luxembourg. Tu sais, je fais de la musique et nous répétons chez l’un ou chez l’autre.

Le métro poursuit sa course et bientôt ce sera Denfert-Rochereau et mon changement pour Châtelet- les Halles. La rame entre en gare à Cité- Universitaire. Dernière station avant de se dire au revoir. Pierre se lève, me prend la main et me force à quitter mon siège avant de me tirer vivement sur le quai.

Viens, dit-il . Tu n’as rendez-vous qu’à quatorze heures. Le parc Montsouris est à deux pas. Reste un peu avec moi. Le parc Montsouris ! Et mon père qui m’attend. Pour mon premier jour de travail, ça la fiche mal d’être en retard. Même s’il s’agit de mon père. La fille obéissante et sérieuse que je suis n’a jamais transgressé les injonctions paternelles. Je ne résiste que quelques secondes à l’envie irrépressible que Pierre a fait naître en moi. Je ne désire qu’une chose : rester avec lui. Je serai en retard. Tant pis !

Pierre n’a pas lâché ma main. Le soleil de juillet brûle ma peau le long des allées du parc et nous cherchons la fraîcheur sous les arbres, près du bassin.

A cette heure il n’y a guère depromeneurs. Nous parlons peu, assis sur ce banc qui nous rapproche. Notre désir est le même.
J’oublie totalement mes obligations pour ne goûter qu’au plaisir de me sentir regardée, respirée, désirée. Un de ses bras a pris appui sur le dossier du banc et mon corps ne souhaite que se lover au creux de son épaule. Pierre que je connais depuis l’enfance, Pierre avec qui j’ai récolté plaies et bosses lors de nos jeux de gamins, Pierre mon préféré dans notre petite bande. Nous retrouver ainsi semble si naturel. Premier amour, premier baiser, premier frisson, premier bonheur.

Premier retard pour un premier jour.
Que va dire mon père ? J’ai la boule au ventre en pénétrant dans l’énorme ascenseur noir, qui une fois la grille tirée, va me mener jusqu’à son bureau. Je suis accueillie par un homme au comble de l’inquiétude. Deux heures qu'il me cherche et qu’il téléphone partout. Il ne hurle pas. Il ne crie même pas. Je le sens fatigué, déçu peut-être. Passablement défait devant mon inconscience. Impuissant, dépassé. Ma mère a dû en profiter. L’accabler.
Je lui raconte en quelques mots mon escapade. Il me regarde, interdit, ahuri, stupéfait, décontenancé. J’ai l’impression qu’il découvre que j’ai quinze ans. Son visage se détend tout à coup. Je le sens soulagé. Il finit par sourire. Etrangement....

Indulgence et complicité d’un père aux amours inconstantes ? De mon premier amour ma mère ne sut presque rien, mon père “presque” tout. Mon premier boulot : un souvenir merveilleux ! A mon père.

 


De Joël


Procrastination

Gilbert est ce qu’on appelle, par mansuétude : un « brave gars ». Sur-couvé par une mère célibataire il est resté vivre jusqu’à l’âge de trente ans aux crochets de son épicière de mère qui lui passait tout. Rustre et benêt, mais aussi méchant et jaloux de tout, lui se croyait doué voire exceptionnel, et ne voyait pas l’utilité du travail.

Comme il gagnait suffisamment d’argent en dealant au fond du magasin, il passait ses journées à trainer et parader dans les bistrots avec ses copains alors que ce pauvre débile de Jojo, homme à tout faire et martyre faisait tout le travail de magasinage et de ménage.

Un matin la police embarqua Gilbert. Il ne put s’empêcher de jouer le caïd au tribunal et pour cela écopa d’une peine de prison conséquente. Deux ans plus tard il en ressortit à condition de chercher du travail et de s’intégrer dans la société. Muni du pécule de la vente de l’épicerie de sa mère morte entre temps, on le retrouve à Paris avec ses nouveaux copains connus en prison. Pourquoi chercher du travail quand on peut vivre sans !

Tant qu’il eût de l’argent, Gilbert mena la « vie » et le dilapida dans les combines foireuses, les champs de courses, les casinos et chez les prostituées. Être souteneur, lui aurais bien plu, mais la concurrence féroce et son peu de charisme lui ferma cette porte.

En moins de neuf mois, l’héritage s’évapora. Acculé par les dettes de jeux et celles contractées auprès des truands, et devant donner satisfaction à l’administration pénitencière avant la fin de l’année pour ne pas purger le reste de sa peine à l’ombre, il se mit à la recherche d’un emploi.

Il alla se présenter au chef du personnel de mon entreprise, avec une lettre de recommandation de l’ancien directeur, qui se trouvait être son oncle. C’est dans le bus vers Bagneux que je le vis pour la première fois.
Fier comme Artaban, paradant dans un costume neuf, regardant de haut ce petit monde « qu’il n’allait pas tarder à diriger », il s’annonça à la standardiste royalement.

Il se sentit sur un nuage, quand un sous fifre qui lui donnait du « Monsieur », le prit en charge pour le guider au bureau du personnel. Certain qu’on n’attendait que lui, et qu’on reconnaîtrait très vite ses compétences, il se voyait attribuer une voiture de fonction, un bureau avec une secrétaire ... et pourquoi pas, plus tard ... un poste de direction. On le regarda avec curiosité.

Son rêve fut brisé quand il se retrouva au bout d’une chaine à remplir des cartons qu’il devait caller avec des flocons de polystyrène. Sans expérience du monde de l’entreprise, trop lent pour suivre la cadence, traité de crétin et de maladroit par le chef d’équipe, il devint immédiatement la risée des autres employés. Qu’il aimerait foutre le feu à cette boite de merde pour trouver ailleurs un job à sa mesure ! Mais l’épée de Damoclès des truands et l’avenir sombre de la prison lui fit serrer les dents. Momentanément il se résigna. Vantard, rejetant tous les torts sur ses voisins, cherchant querelle à tous ces fainéants de bicots qu’on l’obligeait à côtoyer, il alla de désillusions en désillusions. Pour ne pas perdre la face, il se refusa de retourner au village, dormit dans des hôtels minables voire même à l’armée du salut.

Mais son heure viendrait, il allait leur montrer qui était Gilbert !
Il espérait encore, par un hasard improbable, lui qui avait connu des hommes, des vrais, des durs, prendre sa revanche sur tous ces petits chefs qui se croyaient supérieurs ; et tous ces bicots qui lui avait volés sa place et son rang ! Il les aurait volontiers tous mis dans un bateau direction l’Afrique. Il sombra bientôt dans l’alcoolisme.
C’est dans ce même bus vers Bagneux que je le vis pour la dernière fois.
Ce n’était plus qu’une loque, aigri, mal rasé, fatigué, humilié, toute superbe disparue, en voulant au monde entier et surtout à ces minables de banlieusards qui par pitié, détournaient le regard de son costume informe et ses chaussures de marque défraichies.
L’entreprise, par respect pour son oncle, le garda six mois avant de se séparer de lui. Puis,
Un mois plus tard, son oncle reçut de lui une carte postale d’un hôtel de Marseille où était griffonné laconiquement : « ils m’ont retrouvé ».

 

De Claudine

LE SECRET

Besoin encore d’un café très fort, Martin avait eu une nuit trop courte, il devait être à son cabinet à huit heures. C’était là qu’il commençait à se sentir vivre. La cardiologie était sa passion.
Cette nuit, Anna lui avait envoyé un message en SMS ; « aujourd’hui je vais passer te voir à ton cabinet, désolée mais c’est important »

Il lui avait dit qu’il n’aimait pas ce style de surprise. De caractère anxieux, aimant être maître de tout dans sa vie, ça le perturbait. Son corps lui envoyait des signaux qu’il n’avait jamais ressentis avant sa rencontre avec Anna.

Leur début de relation avait été d’une telle intensité, son univers intérieur avait été bouleversé, sa vie professionnelle difficile a assumé. De plus, trop effrayé par cette intimité croissante, il serait sans doute contraint de lui révéler son secret qu’il cachait depuis si longtemps. Il avait préféré fuir, lui bafouillant quelques mots au téléphone, auxquels elle n’avait pas répondu. Il était maintenant à son cabinet. Il se demandait quand elle allait venir. Il se sentait de plus en plus mal. La tête dans les mains, coudes posés sur son bureau, tout son corps semblait ne plus pouvoir lui obéir. La sonnette du cabinet retentit, Martin sursauta, il devint moite.

« Bonjour monsieur, vous avez rendez-vous à quelle heure ? » dit la secrétaire.

Ce n’était pas ELLE ! Il fallait encore subir cette contrainte, être affable, discuté comme il en avait l’habitude avec ses patients. Ils l’adoraient avec ses connaissances sur tout.

Martin voulait surtout être seul, libre quand Elle arriverait. Il n’arrivait pas à mettre deux idées cohérentes à la suite l’une de l’autre. Ses pensées s’enfuyaient comme poussées par un vent de folie. D’ailleurs cette folie, il la sentait venir doucement en lui ! Il en devinait les rives, s’épuisait à les repousser. Il avait cru qu’il avait réussi à reprendre sa vie, tout mettre en ordre, tout contrôler. Ce SMS avait tout balayé comme une tornade.

Il devait se ressaisir, son patient attendait. Il regarda sa montre, respira très profondément, accrocha un sourire à ses lèvres et fit entrer son patient. Il l’examina assez rapidement, rien d’important, une ordonnance à renouveler.

La matinée puis le début d’après-midi passèrent en de longues heures. Il sentait une part de lui heureuse de la revoir, il la trouvait belle, excitante, joyeuse. Il avait été si surpris qu’elle s’intéressât à lui. A seize heures la sonnette retentit, une voix de femme. C’était ELLE !

Il lui ouvrit la porte, ils se regardèrent, sans parler. Avec une profondeur et tristesse dans les yeux, elle lui dit : » je sais ! » Il lit dans ses yeux, qu’elle avait compris...
Comment avait-elle deviné son secret qu’il pensait avoir si bien protégé !


De Olivier
Joueur, je ne le suis plus meme si je l’ai ete. Avec ma maladie, fini de jouer a des jeux dangereux, aux jeux interdits. Bien sur, comme tout le monde, il m’est arrive de jouer avec le feu. Je ne supporte plus non plus les jeux de mains, que l’on se joue de moi, d’etre un pion ou, comme qui dirait, un vilain. Il est interdit d’interdire et a part avec ma vie, s’il y a bien quelque chose a laquelle je refuse de jouer, c’est evidemment avec le cœur des gens. J’aime m’amuser mais honnetement quoi de plus important que l’amour et la sincerite. Dans les Jeux, dans la vie comme en societe, si l’on veut avancer, pour reussir, il y a un minimum de discipline(s) a avoir, a respecter. On doit pouvoir se tenir droit... il ne faut pas tricher. C’est la regle du jeu, on n’a pas le choix, il faut l’accepter.